L’Humanité

La vie, l’amour, la mort pour un rituel initiatique…

Le metteur en scène colombien Omar Porras monte l’Éveil du printemps, de l’auteur allemand Frank Wedekind, une pièce, qui parue en 1891, n’a rien perdu de sa vérité.

Sur le chemin de l’école, ça chantonne, ça chahute. Rien de plus normal. En voilà un, Melchior, qui s’éloigne du groupe, premier refus, têtu, de se laisser happer par les autres. Besoin de s’isoler, de se plonger dans la lecture, de se réfugier dans les philosophes, de trouver, dans les mots, les raisons de son mal-être, de ses premiers émois, amoureux, sexuels. II est rejoint par Montz, bon dernier de la classe mais qui bûche nuit et jour pour ne pas décevoir ses parents. Entre eux deux, une sorte d’amitié qui ne dit pas son nom.

Le groupe se scinde en deux. D’un côté, les garçons. De l’autre, les filles. Face à eux, à leurs rêves de bonheur éternel, l’institution scolaire, l’institution religieuse. Éternels remparts qui se dressent depuis la nuit des temps sur le chemin de la vie. Avec, parfois, le silence complice des parents. Paru en 1891, créé en 1906 après avoir été interdit, L’Eveil du printemps, de Frank Wedekind, est une peinture d’une précision quasi chirurgicale des premiers troubles sexuels chez les jeunes gens (on ne disait pas, alors, adolescents), à la fois cruelle dans sa vérité et onirique dans sa puissance imaginative. Face à l’adversité, aux tabous, à la morale, ces jeunes gens semblent fragiles et forts, indécis et décidés, naïfs et retors. Le passage à l’âge adulte est parsemé d’obstacles. Certains vont le franchirs ans trop de casse, d’autres y laisseront leur peau. Moritz se suicidera Wendla mourra des suites d’une intervention d’une tricoteuse sur ordre de sa mère sans comprendre ce qui lui arrive.

Si la noirceur de la pièce est évidente, l’humour, la vie traversent avec force cette microtragédie dont l’universalité du propos n’est plus à démontrer et qui fut saluée, en son temps, par Freud lui-même. La mise en scène d’Omar Porras (qui a fondé et dirige le Teatro Malandro à Genève), alterne, au rythme des battements des coeurs de ces jeunes gens, des tableaux aux couleurs et éclairages inquiétants, des instants réalistes et d’autres symboliques, toute une gamme de variations esthétiques accompagnées d’une partition musicale qui donne une belle amplitude aux mots, les faisant résonner encore dans les silences. On est séduit par la grâce de ces jeunes acteurs, grimés, emperruqués, costumés, qui passent sur le plateau avec une légèreté enfantine, une insouciance communicative, une gravité qui convoque le rire et le recueillement dans un même mouvement avant que la vie ne reprenne le dessus et poursuive son chemin.

MARIE-JOSE SIRACH

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