Froggy’s Delight

Omar Porras a procédé de manière syncrétique en recourant à des références iconographiques cohérentes, sans faire de la reconstitution historique, et contemporaines de l’auteur, que sont celles de l’expressionnisme allemand, auquel ressortit l’auteur, et celles du grotesque et de la caricature vériste d’artistes comme Otto Dix et George Grosz, qui suscitent un rire jaune, usitées dans le théâtre et le cinéma des années 20 entre autres par Meyerhold et Ensenstein. Drame de Frank Wedekind, mise en scène de Omar Porras, avec Sophie Botte, Olivia Dalric, Peggy Dias, Alexandre Ethève, Adrien Gygax, Paul Jeanson, Jeanne Pasquier, François Praud et Anna-Lena Strasse.

Oeuvre de jeunesse écrite en 1891 de Frank Wedekind, plus connu pour « La boîte de Pandore » immortalisé sous le titre de Lulu » après sa déclinaison opératique par Alban Berg, « L’éveil du printemps » est qualifiée de « tragédie enfantine » en ce qu’elle aborde le délicat passage de l’adolescence d’autant plus douloureux qu’il se déroule dans le cadre d’une société puritaine.
Sous forme d’une fable initiatique recelant un drame violent, le dramaturge allemand dénonce le puritanisme coupable, voire meurtrier, de la société de son époque qui répond par le silence, l’hypocrisie, une morale rigoriste et la répression à des réalités biologiques, psychologiques et sexuelles qu’il aborde sans ambiguité tout comme les sujets tabous qu’étaient l’avortement,l’homosexualité ou le suicide des enfants.

Il est ardu de porter sur scène cette thématique globale, dont certains aspects sont certes intemporels (voir « Salle d’attente » d’après Lars Noren mis en scène par Krystian Lupa programmé au même moment au Théâtre de la Colline), traitée dans un contexte socio-historique fortement connoté sinon obsolète.

Fort habilement, Omar Porras n’a pas versé dans la contextualisation multimedia à la mode mais a opté pour le conte onirique en se calant sur la partition originale – avec une efficace version resserrée due à Marco Sabbatini – composée également, avec son dénouement, comme un voyage initiatique.

Ce voyage est celui de Melchior, issu d’une famille aisée et relativement progressiste, enfant doué et « en avance » par rapport aux autres collégiens notamment son ami Moritz, le cancre de la classe qui est travaillé autant par le risque de redoublement qui décevrait ses parents modestes qui se sacrifient pour ses études que par ses poussées d’hormones, et la jolie Wendla qu’il va séduire et engrosser en toute innocence partagée. Difficile pour lui de survivre, jeté en maison de correction après le suicide du premier et la mort de la seconde victime d’une faiseuse d’anges.

Avec la scénographe Amélie Kiritzé-Topor, qui a conçu un décor de no man’s land intemporel pour adolescents en forme d’arrière cour terreuse sur fond d’obscure forêt, les créations lumières qui donnent parfois l’illusion du noir et blanc de Mathias Roche et la costumière Irène Schlatter, il parvient à un juste équilibre entre le fond, non exempt de symbolisme, et la forme.
Certes, Omar Porras a du métier et connaît la musique. Aussi parfois joue-t-il sur du velours quand il insère un extrait de « Riders on the storm » des Doors ou fait graffiter « Le cri » de Munch sur le mur qui sera éclaboussé du sang du suicidé. Mais l’ensemble est de belle facture et l’enchantement, même noir, fonctionne bien.

Il signe une mise en scène au cordeau et dirige parfaitement une troupe de comédiens, la plupart jeunes tant par l’âge que par leur parcours artistique qui, loin de toute posture ou affectation, réussissent totalement à camper aussi bien les enfants avec leurs attributs enfantins, la poupée de chiffon, le cheval à bascule, le cartable d’écolier, mais déjà trop grands pour leur costume d’enfant et les archétypes adultes.

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