Reprise de « El Don Juan » au Japon, par Omar Porras

Omar Porras de retour du Japon, nous confie son expérience sur la reprise de El Don Juan en langue japonaise, au Shizuoka Performing Arts Center (SPAC).

Omar Porras que représente pour vous le travail d’une reprise d’un spectacle théâtral?

O. P. : Une reprise est un travail en variation. La partition reste somme toute la même, mais les instruments sont là, légèrement différents et l’on a entre les doigts un autre type d’archet.

Mais pourquoi fondamentalement cette reprise de « El Don Juan » au Japon?

O.P. : Sans doute la réponse à cette question est-elle avant tout dans ma passion pour le théâtre oriental, pour ses techniques, ses codifications et sa dimension rituelle. Travailler avec les comédiens du SPAC implique une confrontation d’approches du théâtre différentes non sans points de rapprochement possible ; le jeu masqué implique une méthode d’une grande rigueur qui rejoint des fondamentaux de ces comédiens. Mais il ne s’agit pas pour autant de travailler sur la codification d’un masque. Ce que je cherche à faire, c’est que chaque acteur retrouve son propre masque, ses propres lazzis , sa propre mécanique de façon à ce que chaque masque de ce spectacle, même si c’est une reprise, devienne un nouveau personnage. Même si nous partons d’un texte du Siècle d’or espagnol et d’un spectacle du Teatro Malandro, même si nous racontons un mythe occidental, il est important que soit créée une nouvelle génération de personnages qui feront ensuite partie de la culture de cette troupe japonaise, avec des attitudes, des gestes qui sont très éloignés de notre calligraphie gestuelle occidentale. Je verse ici dans le corps des comédiens les éléments de ma culture, qui est hybride, nourrie du Wayang Topeng, marquée par le travail de Grotowski, de Mnouchkine, de Barba, emprunte de bioméchanique, inspirée de ma relation à la danse… Toutes ces formes font un bagage avec lequel je travaille, car j’ai le désir de retourner aux sources du théâtre, là où se trouvent le mythe, mais aussi les formes les plus ancestrales de la représentation – ce à quoi m’a éveillé le texte d’Artaud, Le Théâtre et son double.

El Don Juan est placé au croisement des cultures. Sa reprise est devenue un creuset d’expériences qui permet les confrontations de cultures et de traditions théâtrales différentes, des réappropriations et des métamorphoses du patrimoine de chacun.

La langue n’est-elle pas une barrière, une contrainte dans la mise en scène d’un spectacle théâtral?

O.P. : La contrainte de la langue rend le travail plus intéressant encore. Je suis constamment sur le plateau à indiquer le chemin de chaque personnage, à créer une autre langue dans le groupe, celle constituée par les gestes et par les masques.

Pourquoi avoir choisi le comédien Keita Mishima pour interpréter le rôle de « El Don Juan »? Quels sont les particulatités physionomiques et gestuelles qui ont influencé votre choix de metteur en scène?

O.P. : J’ai choisi ce comédien pour ses qualités artistiques que j’ai pu observer à diverses reprises. J’ai aimé la rigueur, la discipline qui caractérisent son jeu, ainsi que ses capacités physiques. Lors des auditions, il a su se démarquer dans les exercices d’improvisations. En ce jeune comédien talentueux, fédérateur et d’une vive spontanéité, j’ai rapidement vu un Don Juan potentiel. De surcroît, je savais qu’il avait été formé à la Suzuki Company of Toga par Tadashi Suzuki lui-même. Un gage de confiance à mes yeux pour lui confier un rôle si important autour duquel allait se construire et graviter tous les autres personnages.

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